L'amélioration des performances sportives d'un athlète avec un casque de réalité virtuelle

Les modules de Réalité Virtuelle AGON pour Entraîner les Fonctions Cognitives chez le Sportif de Haut Niveau

I. Fonctions exécutives

Un peu d’histoire… Dès le 18ème siècle on tentait de donner une définition au rôle joué par les fonctions soutenues par le lobe frontal. Gall le définissait comme l’endroit «enfermant les plus hautes facultés du cerveau» ; Burdach, comme «l’atelier spécial des processus de la pensée». Mais ce n’est qu’au 19ème siècle que des définitions plus précises ont émergées, grâce aux observations réalisées sur les patients frontaux. On parle alors des fonctions frontales, le terme de fonctions exécutives n’apparaissant pour la première fois qu’en 1982 dans un article de Lezack.

Les patients dits frontaux sont des patients ayant des lésions frontales. Un des patients les plus connus est Phinéas Gage, qui en 1848 s’est perforé le crâne avec une barre de fer, allant de sa joue aux parties antérieures et médiales du cerveau. Il perd alors l’usage de son œil gauche et subit de graves dommages au lobe frontal. Les effets d’une telle lésion impactant les fonctions exécutives sont des changements radicaux du comportement. En effet, PG devient irresponsable, associable, infantile, impatient et colérique. Il ne porte plus d’intérêt aux émotions des autres et n’est plus capable de planifier ses actes ou organiser ses idées en fonction d’éléments mémorisés. En 1868, le chirurgien Harlow pratique la première autopsie de PG et confirme le lien du trauma avec les troubles comportementaux décrits.

Depuis ces premières observations cliniques, de nombreux modèles ont été proposés pour expliquer et prédire les troubles exécutifs observés suite à des lésions acquises du cortex pré-frontal. Les modèles permettent aussi de prédire les performances cognitives et motrices chez des individus qui entraînent les fonctions du lobe frontal.

L’objectif de ce livret blanc est de présenter (1) une synthèse des modèles théoriques en lien avec les fonctions exécutives (FE), et (2) de démontrer l’intérêt d’un bon fonctionnement des FE pour la pratique sportive à haut niveau. Ensuite, nous proposerons une description des 2 modules de réalité virtuelle AGON pour suggérer (3) les FE spécifiques qui sont mises en jeu lors de la réalisation des différents niveaux des modules AGON. Enfin, en conclusion, nous proposons (4) un tableau récapitulatif qui pourra être utilisé par AGON comme aide à la prise de décision lors de la prise en charge d’un sportif de haut niveau ayant la volonté de développer ses compétences exécutives pour acquérir une performance cognitive.

A. Modèles et Principale Fonctions

En 1966, Luria établit que le lobe frontal est un système de «programmation, de régulation et de contrôle de l’activité». Il définit les structures postérieures sous corticales comme les bases neurales à l’origine de ces processus cognitifs (Luria, 1980). Selon Luria et collaborateurs, tout comportement complexe se décompose en quatre étapes fondamentales: la formulation d’un but, la planification de l’action pour atteindre ce but, l’exécution ce cette action et enfin la vérification. Dans les années 80, Damasio reprend les travaux de Harlow (1868), et estime que les changements de comportements connus chez PG sont la conséquence directe de lésions orbitofrontales. Il confirme ses hypothèses en décrivant les comportements de patients ayant les mêmes lésions et qui sont spécifiquement perturbés dans la prise de décision. Ainsi, la région du lobe orbito-frontal permettrait d’établir des liens associatifs entre un stimulus, une réponse motrice et l’état aectif de l’individu. Damasio parle de « marqueurs somatiques » qui seraient un système « aidant » à la prise de décision, consciemment ou non. L’interférence émotionnelle serait d’autant plus importante qu’une certaine prise de risque est nécessaire.

Les études scientifiques dans le domaine de la neuropsychologie ont ensuite tenté de spécifier comment les diérentes fonctions psychologiques interagissent dans le cadre de la prise de décision comportementale.

Modèle SAS de Norman and Shallice, 1986

Le modèle du Système Attentionnel de Supervision, (SAS) de Shallice & Norman (1980) permet d’expliquer le contrôle attentionnel de l’action.

Ce modèle distingue deux types de comportements: les comportements
automatiques qui ne nécessitent pas de contrôle; les comportements nouveaux qui nécessitent un contrôle coûteux en attention. Le contrôle attentionnel serait possible grâce à l’intervention du SAS qui fait appel à des processus de contrôle volontaire, nécessaires à la prise de décision lors de situations jugées nouvelles, moins routinières ou à risque. Ainsi, le SAS interviendrait lorsque les procédures de déclenchement automatique ne susent plus. Le SAS permettrait alors la coordination de deux tâches réalisées simultanément, le changement des stratégies, le mise en place d’une focalisation attentionnelle sélective, ou encore l’activation des informations en mémoire à long terme.

Modèle des mémoires de Baddeley et al., 1986

Baddeley propose un modèle en 1986 dont la vision des fonctions exécutives est semblable à celle de Shallice & Norman (1980) mais se focalise sur la question de la mémoire.

Le modèle de Baddeley est constitué de 3 composants. (1) Le calepin visuo-spatial qui permet d’intégrer les informations visuelles, spatiales et kinesthésiques. (2) La boucle phonologique qui permet de stocker l’information. (3) Le composant principal: l’administrateur central. Ce dernier composant serait un système attentionnel qui contrôle les fonctions d’attention sélective et d’inhibition. Ainsi, l’administrateur central coordonne
les opérations entre les deux sous systèmes, gère le passage d’informations de ces deux systèmes vers la mémoire à long terme. Il procède à la sélection de la stratégie des actions les plus efficaces. Enfin, il permet de passer d’une stratégie à une autre. L’administrateur central n’intervient pas de la même manière en fonction du niveau attentionnel requis pour agir. Pour la réalisation d’action automatique, il n’est que peu sollicité. Il intervient partiellement lorsqu’il s’agit d’action semi-automatiques. Il est pleinement sollicité pour la gestion d’actions complexes, nouvelles ou à risques. Dans le milieu clinique, le modèle de Baddeley a présenté certaines difficultés pour révéler et bien décrire les symptômes observés. Les tests classiques pour tester les fonctions du modèle de Baddeley sont le test du d2 (reconnaître des symboles similaires), les blocs de corsi (mémoire visuo-spatiale)ou encore le test de Brixton (reconnaître une règle de prise de décision).

De nombreux tests sont utilisés aujourd’hui de manière routinière en clinique. Cependant, ils ne permettent pas d’évaluer ou de comprendre les déficits comportementaux qui ne sont pas liés à la mémoire. Notamment, la planification d’un comportement moteur requiert un lien fonctionnel entre perception, raisonnement et choix comportemental.

Ainsi, le modèle des fonctions exécutives de Miyake est considéré comme un modèle neuropsychologique plus général incluant la notion de performance motrice.

Influencé par les travaux en neurobiologie, Miyake propose un modèle incluant les trois fonctions exécutives fréquemment utilisées dans la littérature: la mise à jour (updating), la flexibilité mentale (shifting) et l’inhibition (inhibition – Baddeley, 1996, Logan, 1985, Rabbitt, 1997, Lyon and Krasnegor, 1996). Il propose que tout comportement se décompose en une part de stabilité (via la mémoire de l’instant présent) et la flexibilité (via le changement d’une règle ou d’une décision). Cette balance serait modulée par la fonction inhibitrice qui aurait le rôle central d’inhiber les distracteurs (les objets physiques, les stimuli perceptuels ou les pensées intrusives) pour favoriser la stabilité; cependant, lorsqu’un changement de comportement est nécessaire alors l’inhibition serait levée pour favoriser la flexibilité du système à considérer les autres options.

Dans son modèle, Miyake confirme donc le rôle des fonctions exécutives
dans la cognition humaine complexe mais argumente contre sa nature unitaire.

Les fonctions exécutives sont multiples et pour cette raison, l’évaluation clinique doit se faire avec une batterie de tests choisis pour évaluer chaque processus mental de manière la plus isolée possible. Selon lui, le concept théorique est mal adapté à la réalité clinique de terrain avec des normes et des validations concernant ces tests insuffisantes. Face à ce constat, Miyake propose un modèle nouveau (et trop simpliste à son goût) en se concentrant sur les trois fonctions centrales: l’Updating, le Shifting, et l’Inhibition.

La mise à jour (Updating) est une fonction exécutive similaire à la mémoire de travail (Smith and Jonides, 1997). Il s’agit de garder et encoder l’information entrant en mémoire à court terme par rapport à la pertinence de la tâche. Plus spécifiquement, le participant doit garder en mémoire un item pertinent et oublier les autres – d’où le terme de système de mise à jour (Morris and Jones, 1990). Une manipulation dynamique de l’information est nécessaire ici avec une activation de la mémoire de travail. Ce n’est pas
un simple stockage passif.

L’inhibition est la capacité à retenir intentionnellement une réponse dominante ou automatique quand cela est nécessaire. Miyake souligne que ce terme est utilisé pour décrire un ensemble très large de fonctions comme l’inhibition négative ou réactive (Logan, 1994) mais notons qu’il désigne aussi dans son modèle le besoin parfois de contrôler la suppression d’une réponse dominante (Grisetto et al., 2022). Aujourd’hui, certains chercheurs suggèrent même que la fonction d’inhibition perceptive aurait un rôle dans l’inhibition des distracteurs autres que moteurs.

Shifting est le terme anglais pour la notion de flexibilité mentale, c’est-à-dire la capacité de pouvoir jongler entre plusieurs opérations ou états mentaux (Monsell, 1996). Des modèles comme celui de Norman & Shallice (1996) rapportent que savoir passer d’une tâche à l’autre est un aspect important du contrôle exécutif. Cela nécessite le désengagement envers une tâche qui n’est plus pertinente pour se concentrer sur celle qui l’est. Cette opération implique un coût pour passer d’une consigne à l’autre, surtout quand le changement s’opère sur le même stimulus. Récemment, nos travaux ont montré que ce processus de flexibilité mentale est perturbé chez les personnes à tendance agressive (Grisetto et al., 2021). Ce shifting exécutif orienté pourrait faire appel à l’inhibition puisqu’une bonne performance à une tâche de flexibilité requiert la capacité de se désengager des actions passées et de ne pas prêter attention à des distracteurs présents à un instant donné, pour porter le plus d’attention possible à la préparation au comportement à venir. On peut alors comprendre le rôle central des processus d’inhibition au sein du modèle de Miyake.

Les fonctions exécutives sont des fonctions spécifiques à l’homme ; elles sont un ensemble de processus cognitifs permettant les comportements flexibles et adaptés. Certains chercheurs vont dire que les FE couvrent toutes les activités humaines allant de l’anticipation, la planification, l’organisation… aux résolutions de problèmes, le raisonnement logique et la mémoire de travail. Cependant, nous proposons de placer notre réflexion dans le cadre théorique de Miyake. Nous considérons ainsi que les FE sont
principalement associées aux lobes frontaux (prise de décision) et aux structures sous corticales (éveil). Elles interviennent dans chaque activité de la vie quotidienne, comme par exemple la conduite automobile, l’organisation d’un emploi du temps, ou la préparation d’un repas. Les FE sont constituées de trois modules principaux qui sont la mise à jour, la flexibilité mentale et l’inhibition.

Les Fonctions Exécutives sont les clefs du «contrôle volontaire» permettant à tout un chacun d’évoluer dans son environnement. Notre adaptabilité et nos performances motrices dépendent donc de la performance des fonctions exécutives.

B. Tests permettant d’évaluer les Fonctions Exécutives

Au début des années 1910, un besoin d’évaluation des capacités cognitives est apparu. Les cas d’usage étaient par exemple: (1) l’évaluation des difficultés de reprises professionnelles causées par des états de stress post-traumatique (au retour de guerres), (2) l’évaluation des effets secondaires des nouveaux traitements pharmaceutiques ou encore (3) l’évaluation des capacités chez les enfants pour créer des classes de niveau dans un système scolaire qui se mettait en place. Aujourd’hui, les tests neuropsychologiques sont utilisés de manière courante dans le contexte clinique en gérontologie, en neurologie et en psychiatrie; ils ont ensuite été adaptés pour être également utilisés dans certains pays pour guider les processus de recrutement professionnel en RH; ils commencent enfin à être utilisés chez les enfants et adolescents pour aider à la prise de décision sur le besoin ou pas d’un système scolaire adapté. Dans toutes ces utilisations, les tests sont utilisés sur différents supports (papier, tablette, objet 3D) avec des validations scientifiques plus ou moins anciennes.

Dans la suite de ce livret blanc, nous allons présenter les tests les plus utilisés pour évaluer une ou plusieurs FE. Ces tests émanent surtout de situations cliniques. L’objectif ici est surtout de préparer le lecteur à comprendre les parallèles possibles entre les tests des FE et les niveaux des deux modules Agon.

Evaluer la mise à jour

Les capacités de la mémoire de travail sont testées fréquemment à l’oral. Les participants ont la tâche de mémoriser une consigne et de l’appliquer à un contexte pré-déterminé en prenant une décision et en verbalisant leur réponse. Par exemple, l’individu est amené à lire une série de mots avec une classe à mémoriser en priorité en mémoire à court terme (classes possibles: animaux, plantes, véhicules). Un mot cible est présenté et le participant doit dire si oui ou non l’item appartient à la classe cible.

D’autres tests vont utiliser des chiffres, des symboles ou des sons pour éviter les symboles langagiers, e.g., le N-back, le Keep-track, le Tone monitoring et le Letter Memory (Figure 4). L’objectif de tous ces tests est d’amener les participants à devoir « faire travailler leur capacité mnésique » mais à certains moments « à effacer de la mémoire les vieilles informations » pour n’y garder que les « nouveaux items ». Le N-back requiert d’écouter une série de chiffre et de faire le rappel du chiffre qui était donné N places précédents. Par exemple pour le 4-back, ici le participant devra écouter la série 12 24 31 45 78 et rappeler la réponse 24.

Evaluer l’inhibition

Pour évaluer l’inhibition, nous avons des tests célèbres comme le Go-No-Go, l’antisaccade, le Stop-signal ou encore le test de Stroop (Figure 4.). Globalement, le participant est amené à devoir produire une réponse différente de celle produite si ce sont les automatismes qui prennent la priorité.

L’un des tests les plus connus est le test de STROOP. Créé pour la toute première fois en 1935 par le psychologue John Ridley Stroop, le test de Stroop est un test neuropsychologique qui se focalise en particulier sur l’attention sélective à la lecture et la vitesse de traitement de l’information. Globalement, le test évalue la capacité d’une personne à inhiber des informations automatiques pour se concentrer sur d’autres. Pour réussir cette tâche, le participant doit être capable de sélectionner des informations pertinentes malgré la présence d’éléments distracteurs, le plus rapidement possible. Concrètement, on présente à la personne une suite de mots qui sont des noms de couleurs (ex : “ROUGE”, “BLEU”, “VERT”, “JAUNE”). Ces mots ont la particularité d’être inscrits dans une encre différente de la couleur qu’ils mentionnent. Par exemple, le mot “BLEU” est écrit en rouge, le mot “JAUNE” est écrit en vert, . . . ce qui crée une interférence lors de la lecture des mots. Lors du test, le participant doit être capable d’inhiber sa réponse automatique (lire le mot) pour fournir une réponse beaucoup moins évidente (nommer la couleur du mot).

Dans le test de l’antisaccade, le participant voit apparaître au milieu de l’écran un point de fixation. Ensuite, une amorce est présentée (en général un carré noir), soit à gauche soit à droite du point de fixation. Enfin, la cible apparaît brièvement du côté opposé à l’amorce. La cible est une flèche orientée et la tâche du participant est d’indiquer, à l’aide d’un bouton réponse, la direction de la flèche. La difficulté ici est d’éviter l’automatisme de l’oeil d’aller regarder le carré noir qui apparaît de manière soudaine car si le participant se laisse distraire par l’amorce alors il n’a pas assez de temps pour refaire une saccade pour voir la cible. L’absence de contrôle de la distractibilité amènera le participant à donner une réponse proche du hasard pour l’orientation de la flèche.

La tâche du Stop-signal est une tâche basique de temps de réaction: le participant est encouragé à répondre le plus rapidement à droite ou à gauche, du côté où apparaît une cible visuelle. Pour complexifier le test, des symboles différents sont utilisés pour indiquer au participant la réponse à donner. Par exemple, l’instruction indique au participant d’appuyer sur 0 avec l’index droit pour un cercle, et sur 1 avec l’index gauche pour un
carré. Cependant, la nouveauté est d’intégrer ici un phénomène de « chaise musicale »: dès que le participant entend un son, il doit inhiber l’action motrice en cours.

Ainsi, il est possible de créer des nouveaux tests si nous trouvons des situations pour lesquelles on cible la résistance à la distractibilité: les participants sont mis dans des situations pour lesquelles la performance sera optimales si les FE peuvent être mobilisées pour focaliser l’attention de manière sélective et ainsi, inhiber les distractions plus ou moins multiples et diverses (ex: perceptives ou/et motrices).

Evaluer la flexibilité mentale

Pour ce qui concerne la flexibilité mentale, ce sont des tâches dans lesquelles le participant doit manipuler de multiples consignes à la fois. Ici, nous pouvons retrouver des tests comme le Trail Making Test, le Plus-Minus, le Number-Letter, le local-global, le Color-Shape ou encore le Category-switch (Figure 4).

Le Trail Making Test (TMT) est composé de deux parties. La première se compose d’une série de chiffres à relier dans l’ordre et le plus rapidement possible. Dans la seconde partie du test évaluant la flexibilité mentale, le sujet doit relier des chiffres et des lettres dans l’ordre et le plus rapidement possible mais cette fois-ci en alternant les chiffres et les lettres (1A-2B-3C…). Le temps de réalisation et le nombre d’erreur sont les scores utilisés pour côter le test. Ce test est beaucoup utilisé en clinique dans l’évaluation des fonctions éxécutives chez l’enfant et chez l’adulte car il demande peu de matériel.

Dans le Number-Letter, le participant est face à un écran divisé en quatre quadrants et une paire lettre-nombre apparaît dans l’un des quadrants. S’il s’agit des quadrants du haut, le participant doit dire s’il a vu un chiffre pair ou impair. Si la paire se présente dans les quadrants du bas, le participant doit cette fois-ci dire si la paire possède une voyelle ou une consonne. Le participant répond en se servant des boutons réponse avec le bouton droit pour voyelle et chiffre pair, et bouton gauche pour chiffre impair et consonne. Il est possible ici de quantifier et donc d’évaluer la capacité de flexibilité cognitive en calculant le nombre de bonnes réponses, le temps de réponse ou encore la résistance à la fatigue en mesurant la durée pendant laquelle une personne peut faire la tâche avant d’abandonner. De plus, il est important ici d’évaluer le coût cognitif du changement de règle. En effet, on peut calculer le ralentissement qui est observable lors du changement de lignes car pour donner une bonne réponse le participant doit rapidement et continuellement reconnaître où apparaît la paire, et faire le lien avec la consigne.

Le Color-Shape est une tâche dans laquelle le participant voit une amorce qui est soit la lettre C soit la lettre F au dessus de la cible qui est un rectangle contenant une forme géométrique. Si le participant voit la lettre C, il doit dire si la couleur du rectangle est rouge ou verte. Quand c’est un F, le participant doit dire si la forme est un triangle ou un cercle. le participant va donc devoir « shifter » entre ces deux consignes. Pour des versions adaptées pour les enfants, les lettres peuvent être remplacées par des images.

Enfin, le Category-Switch est un test pour lequel le participant est face à deux types d’amorces: soit un hexagone soit une étoile. S’il s’agit d’une étoile, le participant doit dire si le mot est vivant ou non-vivant alors que s’il s’agit de l’hexagone, le participant doit dire si le mot est plus grand ou plus petit par rapport à un ballon de football. Cette tâche requiert donc de se rappeler des consignes et des couplages; elle requiert aussi la capacité de reconnaissance et de prise de décision. Mais évidement, elle nécessite la capacité de « shifter » entre deux consignes.

Evaluer la planification motrice

Dans l’ensemble des tests utilisés en neuropsychologie des FE, les participants sont amenés à préparer une réponse motrice pour donner leur réponse. Cela peut être une action motrice simple de déplacer ses yeux d’une cible à l’autre, d’appuyer sur un bouton ou une touche de clavier avec son index, appuyer avec la main sur une barre d’espace ou activer sa langue pour prononcer sa réponse à l’oral. Cette capacité d’activation d’une séquence d’actions motrices, même la plus simple, requiert la capacité de planification motrice. Cette capacité est rarement prise en compte en clinique; peu d’outils existent pour l’évaluer. Un débat se poursuit aujourd’hui pour déterminer si la planification motrice fait partie des FE ou pas. Mais une chose est certaine: la planification motrice requiert l’activation du cortex pré-moteur qui fait corps avec le lobe frontal.

La planification motrice est la capacité à déterminer un objectif, de réfléchir à la manière de réaliser une action pour aboutir à l’objectif moteur avant-même d’initier l’activation musculaire. Les tests les plus connus sont les tâches de tapping séquentiel (je dois utiliser mon pouce pour toucher les bouts de chaque doigts de la même main, l’un après l’autre, lentement vs. rapidement). La Tour de Hanoï (TOH) est un jeu de réflexion imaginé par le mathématicien français Édouard Lucas, qui consiste à déplacer des disques de diamètres différents d’une tour de « départ » à une tour d’« arrivée » en passant par une tour « intermédiaire », et ceci en un minimum de coups, tout en respectant les règles suivantes: on ne peut déplacer plus d’un disque à la fois ; on ne peut placer un disque que sur un autre disque plus grand que lui ou sur un emplacement vide. Ici, la performance est évaluée en mesurant le nombre de déplacements réalisés par rapport au minimum nécessaire mais également le temps mis à initier, et à obtenir la tour cible.

la Tour de Londres est la tâche favorite dans le domaine des activités physiques adaptées. Le test de la Tour de Londres fut élaboré par T. Shallice en 1982 afin d’évaluer les troubles de la planification de l’action chez les patients atteints de lésions frontales. Ce test permet de vérifier les capacités de planification, d’organisation, de planification spatiale et le lien avec les fonctions exécutives.

Le test est constitué d’une base en bois sur laquelle sont disposés, linéairement, trois piquets d’une hauteur différente: un grand, moyen et petit piquet. On compte également trois boules de formes identiques mais de couleurs différentes (rouge, bleue et verte) pouvant s’insérer sur les trois piquets. Cette combinaison d’objets 3D permet de proposer 12 problèmes de difficulté croissante, i.e., impliquant un nombre croissant de déplacements à planifier. En effet, sur le plus grand piquet on peut insérer les trois boules, sur le moyen, deux boules et sur le petit piquet, une seule boule. Les boules peuvent ainsi être arrangées sur les piquets de façon à former différents modèles que l’examinateur indique au participant par un dessin réalisé sur des cartes.

On compte 14 cartes: les deux premières sont utilisées pour vérifier que le participant a compris le test. Les 12 suivantes sont utilisées pour le test. Les cartes 1 et 2 requièrent deux déplacements, les cartes 3 et 4, trois déplacements, les cartes 5 à 8, quatre déplacements et finalement les cartes 9 à 12, cinq déplacements. Quatre scores sont proposées dont un score de planification (1 point pour une bonne réponse et 0 point pour une mauvaise réponse); le temps total pour effectuer l’exercice mais également le temps avant l’initiation du premier mouvement. Actuellement, des travaux en psychologie différentielle suggèrent que la mesure seule de la durée de réalisation du test n’est pas suffisante. En effet, pour un temps d’exécution identique, des personnes impulsives peuvent initier le test rapidement et faire beaucoup d’erreurs; les personnes plus réfléchies vont prendre plus de temps pour initier le premier geste et faire moins d’erreurs au cours du test. Ces profils sont également retrouvés chez les sportifs de haut niveau avec des tendances en fonction du poste attribué sur le terrain.

Ces tests permettent d’évaluer les fonctions de planification, puisqu’ils nécessitent la décomposition d’un objectif général en plusieurs objectifs intermédiaires. Les études de neuroimagerie ont rapporté que le cortex préfrontal est largement impliqué dans la réalisation des tests de planification motrice, en relation avec d’autres régions telles que le cortex moteur (pour l’initiation et l’envoi du programme moteur vers les muscles) et le cortex pariétal (la spatialisation des éléments constituant notre espace d’action).

II. Modules Agon

Les fonctions exécutives sont considérées comme stables tout au long de la vie mais il est possible que les sportifs de haut niveau puissent poursuivre leur développement pour acquérir en réalité de meilleures capacités cognitives que l’adulte non sportif (McCrory et al., 2004). Les fonctions exécutives sont importantes pour saisir et distinguer les informations lors de la prise de décision, en particulier en cas de contraintes de temps. Dans les sports de balle comme le football, le basket-ball ou le rugby, les joueurs doivent prendre en compte de grandes quantités d’informations à chaque instant. Le joueur doit constamment évaluer la situation, la comparer aux expériences passées, créer de nouvelles possibilités, prendre des décisions rapides pour agir, mais aussi inhiber rapidement les décisions trop prévisibles. Ainsi, plusieurs caractéristiques essentielles des fonctions exécutives telles que la planification, l’attention soutenue et divisée, la suppression des réponses précédentes et la capacité de la mémoire de travail sont importantes pour un joueur de sport collectif.

Les fonctions exécutives ont déjà été largement étudiées en psychologie cognitive pour des activités sportives spécifiques. Par exemple, il a été rapporté que les joueurs de football professionnels peuvent se rappeler et reconnaître des schémas de jeu plus efficacement que les joueurs de football débutants (Williams, 2000). Des études sur les probabilités situationnelles rapportent que les joueurs de football professionnels sont meilleurs que leurs homologues novices pour prédire et classer les « meilleures options de passe » disponibles (Ward and Williams, 2003). Ils anticipent donc plus efficacement les événements futurs, mais utilisent également ces informations pour chercher et capter de nouvelles possibilités. Ils utilisent différentes stratégies de recherche en fonction des contextes de jeu (Williams, 2000). Des études similaires dans d’autres sports de balle permettent de généraliser les hypothèses et résultats, à l’ensemble des sports collectifs. Après des années d’entraînements, les sportifs évaluent la probabilité de chaque événement possible qui pourrait se produire et utilisent ensuite cette information pour maximiser l’efficacité de la décision de quel comportement produire ultérieurement. Des recherches sur des athlètes en basketball (Allard et al., 1980) soulignent également l’importance de l’évaluation cognitive et suggèrent que les joueurs d’élite ont de meilleures capacités que les joueurs de seconde zone lorsqu’il s’agit de se rappeler la position des autres joueurs sur le terrain, dans une situation de jeu spécifique. Ces études vont dans le sens de l’hypothèse selon laquelle les joueurs experts ont des fonctions exécutives supérieures à celles des joueurs novices.

Il n’est donc plus à prouver que les fonctions exécutives possèdent un lien certain avec les compétences sportives. Étant un véritable facteur de succès, il convient alors de trouver les bonnes solutions permettant de solliciter et de travailler les fonctions exécutives pour l’optimisation de la performance sportive. Agon a pour objectif d’améliorer les performances des sportifs en intégrant la dimension cognitive comme facteur de succès. Pour ce faire, Agon propose une solution de réalité virtuelle qui vise à mettre en jeu les fonctions exécutives des athlètes pendant des séances d’entraînements cognitifs.

Tout comme le muscle, le cerveau est un organe à entraîner. Les modules AGON offrent la possibilité d’entraîner les 3 FE clefs – qui sont la mise à jour, la flexibilité mentale et l’inhibition – permettant une performance optimale du contrôle volontaire de l’activité physique et sportive.

B. Évaluation de la Solution Agon

AGON propose deux modules différents pour faire travailler les FE chez le sportif : Beat Master et Tracker Master. Nous détaillerons chaque module et leur spécificité pour ensuite spécifier quelles sont les fonctions exécutives mises en jeu.

1. Beat Master: description du module général

Dans le module Beat Master, le joueur possède un élément dans chaque main qui s’apparente à une forme (e.g., triangle, carré, rond, croix) et une couleur (e.g., bleu, rouge, vert) qui sera appelé « sélecteur ». Ce sélecteur doit être utilisé pour attraper des cibles mobiles qui arrivent plus ou moins rapidement droit sur le joueur. Si la cible n’est pas à attraper, le joueur doit se déplacer pour l’éviter. Les éléments qui arrivent sur le joueur sont de différentes formes et couleurs. Ils sont de plus en plus nombreux avec l’augmentation du niveau. Ainsi, l’objectif de l’exercice est toujours d’attraper les éléments cibles et éviter les distracteurs en fonction de la consigne donnée. Les consignes peuvent concerner la forme des cibles, la couleur des cibles ou les deux. Par exemple, si la consigne est « Forme », le joueur doit sélectionner les éléments de la même forme que les sélecteurs qu’il a en main, sans prêter attention à la couleur, et inversement, si la consigne est « Couleur ». Lorsque la consigne est « Forme et Couleur », le joueur ne doit sélectionner que les éléments exacts correspondants à ses sélecteurs. S’il a un triangle bleu dans une main et un rond rouge dans l’autre, il devra laisser passer tout élément qui ne correspond pas exactement à cette description. Le changement de la consigne est indiqué oralement, et elle est achée en haut de l’écran de jeu. Pour réussir au mieux l’exercice, le joueur doit mémoriser à la foi la consigne et les sélecteurs qu’il a en main (perte de temps s’il doit les regarder fréquemment).

Il y a donc une combinaison de fonctions exécutives activées dans cet exercice. Le joueur doit faire un choix le plus rapidement possible. La mémoire est utilisée car il faut se rappeler de la consigne mais également de la nature des sélecteurs tenus dans les mains; la flexibilité cognitive est utilisée car il faut choisir sa réponse en fonction de la consigne qui change au cours de l’exercice; l’inhibition est impliquée car il faut inhiber la réaction d’attraper tous les éléments notamment lorsque la pression temporelle augmente avec l’augmentation du nombre d’éléments. Ainsi, l’implication des FE augmente au fur et à mesure que les niveaux de difficulté augmentent.

Les niveaux 0-1 sont simples et testent surtout la prise de décision comme le test de Go-no-Go. Cependant, avec les niveaux de progression, la quantité d’informations à considérer pour continuer à performer augmente. Les changements de consigne, qui sont annoncés oralement au joueur, amènent notamment plus de poids sur la flexibilité mentale comme les tests neuropsychologiques du Color-Shape ou le Category-switch. A travers tous les niveaux, des « obstacles » sous la forme de boules avec des pics violets apparaissent; le joueur doit systématiquement les éviter. Cette tâche est très simple quand la charge mentale est faible (niveaux 0-2). Cependant, le joueur se rend compte que cette tâche simple de compréhension devient très difficile dans les niveaux supérieurs car le joueur se trouve déjà en surcharge cognitive. Cet élément ore un test qui ressemble au Stop-Signal qui requiert cette capacité cognitive d’inhiber une réponse automatique en cours d’exécution.

En fonction des combinaisons des cibles, des distracteurs et de la nature des sélecteurs, le module Beat Master est constitué de trois sous-tâches.

1.1. Flexibilité Attentionnelle

Dans cette sous-tâche, même la nature des sélecteurs peut changer. Le joueur peut regarder ses mains pour prendre l’information et se « rappeler » de ce qui est tenu en main. Cependant, avec le nombre de cibles et de distracteurs, cette stratégie ne permettra pas d’atteindre un bon score. Ainsi pour réussir, le joueur devra utiliser sa mémoire de travail pour se rappeler quels sélecteurs sont en sa possession. Cette tâche devient très compliquée quand la nature peut changer au fil de la partie. Le joueur doit alors maintenir l’information des sélecteurs et l’utiliser pour exécuter les bonnes décisions et surtout ne pas confondre avec les changements d’instructions qui peuvent également avoir lieu.

1.2. Attention Périphérique

Cette fois-ci, le joueur est confronté au même exercice que le précédent mais les éléments et obstacles peuvent surgir dans une périphérie visuelle large. Quand le joueur regarde les éléments à sa gauche, il ne peut pas voir ceux à sa droite. Cette spécificité du module demande alors au joueur de balayer le champ visuel en permanence. Des stratégies comportementales pourront alors avoir lieu concernant le champ visuel traité par le joueur et les déplacements de corps réalisés.

1.3. Charge Attentionnelle

Afin de rajouter de la charge attentionnelle, cette sous partie rajoute des possibilités de formes et de couleurs aux éléments de base. Un total de 4 formes et 4 couleurs différentes ore de nombreuses possibilités. Sur cette tâche, l’attention à exécuter est beaucoup plus importante, avec de nombreux éléments à inhiber. La flexibilité mentale est ici poussée au maximum ainsi que la mémoire de travail.

1.4. Conclusions

Le module Beat Master est une évaluation complète du fonctionnement exécutif où nous pouvons retrouver les trois grandes fonctions définies par Miyake (2000). Nous avons la mise à jour qui est une fonction où le participant doit garder en mémoire les changements de consigne et les sélecteurs ; ceci nécessite donc une manipulation dynamique de l’information mnésique. L’inhibition est très présente notamment dans les niveaux de difficulté supérieure où la réponse attendue est peu dominante par rapport à une réponse automatique. Par exemple, ma réponse est toujours d’attraper les objets de mon champ visuel droit avec ma main droite… sans prendre en compte la consigne forme ou couleur… Enfin, la flexibilité cognitive est clef avec une adaptation par le joueur constante au cours de l’exercice. Ainsi, la notion de fatigabilité et de résistance à l’abandon sont des phénomènes qui pourraient être abordés à la fin de la partie avec le joueur.

2. Tracker Master

Le module Tracker Master intègre le joueur dans un espace fermé rempli de capsules de couleurs. La tâche du joueur est de suivre du regard les capsules qui se déplacent lentement et de manière aléatoire dans la salle. Une consigne donnée au début de chaque essai indique au joueur la couleur des capsules qu’il faut traquer. A la fin de l’essai et avant que le joueur puisse donner sa réponse, les capsules deviennent blanches et immobiles. Ce n’est qu’à ce moment qu’à l’aide de son pointeur que le joueur peut donner sa réponse en sélectionnant l’une après l’autre les capsules de son choix. Le joueur a la possibilité de se déplacer dans l’environnement à tout moment afin d’adapter sa vision du jeu et ses prises de décision. Plusieurs options peuvent être proposées au joueur en fonction des FE à entraîner.

2.1. Attention Distribuée

Dans cette sous-tâche, la difficulté est manipulée en augmentant le nombre de capsules. De plus, les capsules peuvent avoir des trajectoires plus variées mais toujours à vitesse lente et constante. Les capsules gardent leur couleur tout au long de l’essai; le joueur peut donc repérer ses cibles en se référant à la couleur uniquement. Sa réponse devra être gardé en mémoire de travail car il donne sa réponse à la fin de l’essai, une fois que les capsules sont devenues de couleur blanche. Ici, ce sont donc les fonctions de mémorisations spatiales et d’attention divisée (ou distribuée) qui sont mises en jeu. Pour pouvoir traquer les capsules cibles, le joueur sera également parfois amené à se déplacer pour ne pas perdre les cibles de vue. Ainsi, cette sous-tâche peut également travailler l’anticipation de positionnement du joueur en référence à des éléments de son environnement.

2.2. Attention Endogène

Ici, les capsules de couleur vont devenir blanches plusieurs secondes avant la fin de l’essai. Ainsi, le joueur devra repérer ses cibles, garder l’information en mémoire avec une mise à jour constante de la position spatiale relative des capsules. Cet exercice va donc demander une focalisation attentionnelle continue et partagée dans l’espace d’action. Le joueur ne pourra utiliser les indices perceptifs extérieurs disponibles, mais il sera obligé de faire appel à l’information en mémoire de travail pour accéder aux caractéristiques endogènes des capsules, c’est-à-dire à l’information sur la couleur qui était visible avant que les capsules ne deviennent toutes de couleur blanche.

La tâche ici est une vraie tâche de rappel puisque les cibles doivent être rapportées après un certain laps de temps. Ainsi, les joueurs ayant un plus grand empan mnésique (une plus grande capacité de mémoire) auront globalement un meilleur score et trouveront cet exercice plus facile que les sportifs ayant un petit empan. Cette sous-tâche fait donc travailler la concentration, l’attention divisée, la mémoire spatiale et la mise à jour en continu de la mémoire de travail.

Ici, le joueur doit produire une séquence d’actions motrices, i.e., utiliser son pointeur pour viser les capsules à sélectionner. Ainsi, cette sous-tâche travaille également la planification motrice. Une certaine stratégie pourrait être adoptée par le joueur pour optimiser sa réponse : viser les cibles qu’il a eu le plus de facilité à traquer pour minimiser le risque d’erreurs. Ainsi, une différence de performances pourrait être remarquée entre les sportifs en fonction de leur tendance à la prise de risque.

2.3. Flexibilité Attentionnelle

Les couleurs des capsules vont être multiples et pourront changer au cours de la partie. Ainsi, cette sous-tâche fera appel spécifiquement à la flexibilité cognitive. En fonction du nombre de capsules (effet de distraction), du nombre de couleurs à suivre (charge attentionnelle) et de la fréquence de changements de consignes (coût de la flexibilité cognitive), le niveau de difficulté pourra être progressivement augmenté. Il serait possible ici de sensibiliser les sportifs aux notion de motivation, de fatigabilité, d’effort cognitif, et d’endurance cognitive. Des différences inter-individuelles pourront être observées ici en fonction de la résistance à l’effort et à la tolérance à l’effort qui sont des traits de personnalité évaluables par questionnaires (Carlier & Delevoye-Turrell, 2017).

2.4. Double Tâche Attentionnelle

Cette sous-tâche est identique à la tâche d’attention distribuée : des capsules de différentes couleurs se déplacent dans l’espace clos autour du joueur qui doit à la fin de l’essai viser avec son pointeur les capsules répondant à certains critères. Cependant, dans ce module, le rappel devra se faire dans un certain ordre, mentionné par la consigne. Le joueur doit donc toujours suivre le déplacement des capsules (horizontal et vertical), et également observer le numéro que possède chaque capsule, afin de les sélectionner dans un ordre croissant ou décroissant, selon la consigne.

Comme dans les sous-tâches précédentes, cet exercice fait travailler la focalisation attentionnelle, la mise à jour de la mémoire de travail, la mémoire spatiale et la planification motrice. Mais sa complexité permet d’aller plus loin, en mettant en jeu l’ensemble des fonctions exécutives.

Cette tâche est une tâche de mémoire de travail qui requiert l’intégration de plusieurs attributs (position spatiale relative, couleurs et nombre) pour chaque capsule. Cet exercice est donc un bon moyen de travailler la question de surcharge attentionnelle chez le sportif. En effet, la combinaison des attributs est infinie. Toute personne découvrira ses limites à un moment donné. Cet exercice sera idéal pour faire découvrir le problème de la surcharge cognitive; travailler la frustration face à l’échec ou encore travailler des stratégies de régulation émotionnelle (respiration; méditation) pour améliorer la performance dans des situations présentant de plus ou moins grandes difficultés.

2.5. Conclusions

Le module Tracker Master est un exercice d’entraînement de la mise à jour de la mémoire de travail. Il requiert la concentration et permettra aux sportifs ayant un faible empan de mémoire de travailler cette fonction primordiale à tout athlète quelque soit la discipline. L’exercice peut se faire assis ou debout; ainsi, un athlète ne pouvant pas s’engager dans un entraînement physique pourrait s’investir dans un entraînement mental en mettant son corps au repos.

A travers ces différentes sous-parties le joueur pourra travailler l’ensemble des fonctions exécutives tout en obligeant une certaine planification motrice (pendant les séquences de pointage manuelle) pour restituer sa réponse. Il serait possible dans une version suivante de remplacer les réponses manuelles par des réponses corporelles. Ainsi, l’exercice pourrait devenir également physique en travaillant le déplacement du corps à travers l’espace et le temps (Carlier & Delevoye-Turrell, 2022).

Conclusions

Les fonctions exécutives sont des fonctions spécifiques à l’homme ; elles sont un ensemble de processus cognitifs permettant des comportements flexibles et adaptés. Les FE sont principalement associées aux lobes frontaux (prise de décision) et aux structures sous corticales (éveil). Elles peuvent donc être entraînées pour optimiser nos performances en situation de compétitions sportives. Les FE sont constituées de trois fonctions principales qui sont la mise à jour de la mémoire de travail, la flexibilité mentale et l’inhibition motrice. Les modules AGON permettent d’entraîner les FE dans des situations ludiques et progressives. Ils se basent sur des connaissances scientifiques prouvées et sont similaires aux tests validés utilisés dans les milieux cliniques. Cependant, l’utilisation de la réalité virtuelle permet de créer des situations 3D plus réalistes, plus complexes et plus adaptées au besoin du sportif de haut niveau, de manière très immersive.

En adaptant le niveau de difficulté des sous-tâches sélectionnées dans le Beat et le Tracker Master, il est possible d’accompagner le sportif dans la prise en compte de l’importance du mental pour le sport de haut niveau. Avec une scénarisation des exercices, le sportif et son entraîneur pourraient mieux faire les liens entre exercices cognitifs et la pratique. Il sera important de bien adapter le niveau proposé pour maintenir le sportif dans un degré de difficulté n’affectant pas sa confiance en soi. Bien accompagné, les exercices à haut niveau de difficultés peuvent être utilisés pour sensibiliser le sportif à l’importance du sommeil et du mental pour optimiser la prise décision. Enfin, il serait possible de rajouter aux modules d’AGON une difficulté supplémentaire qui est celle de la concentration et la prise de décision en milieu stressant: stress physique (température), stress psychologique (bruit sonore), stress social (exercice réalisé en public).

Avec la possibilité de réaliser les exercices AGON en mouvement, l’amélioration de la performance des sportifs aux modules AGON devraient avoir une bonne transférabilité vers le terrain. Il sera important dans les mois à venir de vérifier cette hypothèse avec des études comparatives. Dans le tableau 1, une proposition de protocole de sélection des modules AGON en fonction des besoins exprimés par l’athlète est proposée. Ce tableau est
une première piste de propositions qu’il serait importante d’affiner et de compléter dans un travail de recherche dans le domaine de la psychologie cognitive appliquée aux sportifs de haut niveau.

Transférabilité

Suite à la mise en perspectives des modules AGON avec les connaissances scientifiques de la psychologie des fonctions exécutives, nous vous proposons un tableau fonctionnel. Ce tableau peut être utilisé comme un arbre de décision permettant d’aider à la mise en place de séances d’entrainements cognitifs, respectant les attentes et besoins de chaque joueur. La description proposée ci-dessous dénote des points majoritairement activés dans un module AGON donné, tout en conservant l’idée qu’un module active de nombreux points, et inversement un point est activé par la réalisation de plusieurs modules.

 

 

Description des points majoritairement activés dans des modules AGON, tout en conservant l’idée qu’un module active de nombreux points, et inversement un point est activé dans différents modules.

Translate »